Cyber Resilience Act : Un nouveau cadre pour la sécurité en Europe

L’Union européenne renforce sa défense numérique avec le Cyber Resilience Act, un règlement inédit qui impose des règles de sécurité strictes à tous les produits numériques.

Illustration représentant la loi Cyber Resilience Act

Les produits numériques font désormais partie intégrante de notre quotidien en Europe, mais chaque nouvel objet connecté peut devenir une porte d’entrée pour les cyberattaques. Le coût annuel de la cybercriminalité pour l’économie mondiale était déjà estimé à 5 500 milliards d’euros en 2020, et la tendance ne fait que s’accélérer.

Or, la cybersécurité est devenue un enjeu économique, démocratique et même de sécurité publique. La plupart des produits numériques commercialisés restent vulnérables : failles non corrigées, mises à jour inexistantes, informations insuffisantes pour que les utilisateurs puissent évaluer la fiabilité des solutions proposées.

C’est dans ce contexte que l’Union européenne a adopté le Cyber Resilience Act (CRA) le 23 octobre 2024, publié au Journal officiel de l’UE le 20 novembre 2024. Entré en vigueur le 10 décembre 2024, il s’appliquera pleinement à partir du 11 décembre 2027, après une période de transition de trois ans. Certaines obligations, notamment celles de notification des vulnérabilités et incidents, entreront en vigueur plus tôt, dès le 11 septembre 2026.

Le CRA s’inscrit dans une stratégie plus large de l’Union européenne pour renforcer sa résilience numérique, aux côtés de la directive NIS 2, de la directive REC et du règlement DORA.

Les objectifs du Cyber Resilience Act

Le Cyber Resilience Act poursuit quatre grandes ambitions pour sécuriser l’espace numérique européen :

  1. Renforcer la sécurité dès la conception : les produits numériques devront intégrer des protections tout au long de leur cycle de vie, en appliquant le principe de « sécurité par défaut ». Cela inclut, lorsque c’est pertinent, l’activation par défaut de mécanismes comme l’authentification forte.
  2. Unifier les règles en Europe : un cadre commun pour simplifier la mise en conformité et mettre fin aux approches fragmentées entre États membres.
  3. Donner plus de transparence : offrir aux utilisateurs des informations claires sur le niveau de sécurité des produits, leur durée de support et les coordonnées du fabricant.
  4. Instaurer la confiance : permettre aux entreprises comme aux particuliers d’adopter les technologies numériques en toute sérénité grâce à des standards uniformes.

En pratique, le règlement définit un socle d’exigences : sécurité intégrée dans la conception et la production, gestion rigoureuse des vulnérabilités, et mise en place de mécanismes de surveillance et de contrôle. Ces obligations concernent l’ensemble des acteurs économiques (fabricants, importateurs et distributeurs).

Un levier pour le marché intérieur européen

Au-delà de la sécurité, le Cyber Resilience Act constitue aussi un outil stratégique pour le marché unique. En supprimant la fragmentation des législations nationales, il établit un socle commun de confiance. Cela facilite la mise en conformité des fabricants, garantit la libre circulation des produits sécurisés dans toute l’Union et favorise l’innovation.

À terme, l’objectif est double : stimuler la compétitivité européenne et réduire les coûts colossaux liés aux cyberattaques, tout en consolidant la confiance des entreprises et des citoyens dans les technologies numériques.

Le champ d’application du Cyber Resilience Act

Le Cyber Resilience Act s’applique à un large éventail de produits numériques :

Les équipements matériels intégrant des composants numériques

  • Ordinateurs, smartphones, tablettes
  • Objets et jouets connectés
  • Caméras de surveillance domestiques
  • Modems, routeurs, points d’accès WiFi
  • Compteurs intelligents
  • Dispositifs IoT (Internet des Objets)

Les logiciels distribués indépendamment

  • Applications mobiles
  • Logiciels professionnels (comptabilité, gestion)
  • Jeux en ligne et applications de divertissement
  • Logiciels de sécurité (antivirus, pare-feu)

Le principe est simple : tout équipement ou logiciel comportant un élément numérique peut devenir une porte d’entrée pour une cyberattaque. Même un produit jugé « non critique » comme un jouet connecté ou une caméra domestique peut servir de point d’entrée à des acteurs malveillants, qui l’utilisent ensuite pour accéder à d’autres systèmes ou se déplacer latéralement dans un réseau.

Cette obligation couvre aussi bien les produits connectés physiquement (via des interfaces matérielles) que ceux connectés logiquement (par des logiciels, des API, des fichiers ou tout autre type d’interface numérique).

Les exclusions

Certains produits échappent au champ du CRA car ils relèvent déjà d’autres réglementations ou présentent des spécificités particulières :

  • Logiciels SaaS fournis exclusivement en tant que service, sauf s’ils sont étroitement liés à un produit matériel
  • Logiciels libres développés et distribués sans but commercial
  • Dispositifs médicaux et véhicules (déjà encadrés par des textes dédiés)
  • Produits liés à la défense, la sécurité nationale ou le renseignement

Les exigences principales du Cyber Resilience Act

  • Sécurité par défaut : les produits doivent être configurés dès leur mise en service pour limiter les risques initiaux.
  • Mises à jour régulières : les vulnérabilités doivent être corrigées pendant une période minimale de cinq ans.
  • Protection des accès : interdiction des mots de passe par défaut comme « admin/admin », obligation d’inclure des mécanismes contre les accès non autorisés comme l’authentification à deux facteurs.
  • Sécurisation des données : les informations stockées doivent bénéficier de mesures de protection adaptées (chiffrement, contrôle d’accès).
  • Transparence : les utilisateurs doivent recevoir des informations claires sur la durée de support, les coordonnées du fabricant et l’identification précise du produit (numéro de série ou de lot).
  • Marquage CE renforcé : chaque produit doit afficher le marquage CE attestant de sa conformité aux exigences de cybersécurité. Ce marquage pourra être complété, à terme, par un pictogramme ou une marque supplémentaire définis par la Commission européenne, selon le type de produit ou le niveau de risque.

La responsabilité des acteurs du Cyber Resilience Act

Les fabricants

  • Concevoir et produire des produits conformes aux exigences du CRA
  • Assurer la correction des vulnérabilités tout au long de la période de support (minimum 5 ans)
  • Notifier toute faille critique dans les 24 heures aux équipes compétentes (CSIRT et ENISA), puis transmettre une notification complète dans les 72 heures
  • Fournir un rapport final dans les 14 jours suivant la mise à disposition d’un correctif
  • Fournir la documentation technique et les informations de sécurité

Les importateurs

  • S’assurer de la conformité du produit avec le règlement avant commercialisation en Europe
  • Vérifier la présence du marquage CE et de la documentation
  • Tenir un registre des produits importés

Les distributeurs

  • Vérifier la présence du marquage CE et de la documentation de conformité
  • Signaler tout défaut ou non-conformité aux autorités et au fabricant
  • Retirer immédiatement du marché tout produit non conforme

Une portée mondiale

Le CRA s’applique à tous les fabricants, qu’ils soient basés dans l’UE ou ailleurs (États-Unis, Asie, etc.). Cette portée mondiale garantit que tous les produits disponibles dans l’UE répondent aux mêmes standards de cybersécurité.

Les sanctions en cas de non-conformité au Cyber Resilience Act

Le CRA prévoit des sanctions significatives pour assurer le respect des règles :

Les sanctions financières

  • Fabricants : jusqu’à 15 millions d’euros ou 2,5 % du chiffre d’affaires mondial
  • Importateurs et distributeurs : jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires
  • Fourniture d’informations inexactes : jusqu’à 5 millions d’euros ou 1 % du chiffre d’affaires

Les sanctions administratives

  • Retrait immédiat du produit du marché européen
  • Interdiction temporaire ou permanente de commercialisation
  • Publication des sanctions (name and shame)

L’approche privilégie la progressivité : avertissement, mise en demeure, puis sanctions financières, sauf pour les manquements graves.

Calendrier du Cyber Resilience Act

Calendrier et étapes de mise en conformité du Cyber Resilience Act

À noter : certaines obligations spécifiques, comme la notification des vulnérabilités (article 14), seront applicables dès le 11 septembre 2026.

Impact pour les utilisateurs

Pour les particuliers comme pour les entreprises, le CRA se traduit par une garantie concrète de sécurité. Les produits numériques mis sur le marché devront être mieux protégés, suivis et accompagnés d’informations claires sur leur durée de support.

Concrètement, cela signifie :

  • Moins de risques de piratage grâce à des configurations sécurisées par défaut
  • Une meilleure protection des données personnelles
  • Une confiance renforcée dans les objets connectés et logiciels utilisés au quotidien
  • Des informations claires sur la durée de support et les mises à jour

Conclusion

Le Cyber Resilience Act représente une étape majeure pour renforcer la résilience numérique au sein de l’Union européenne. S’il impose des obligations strictes aux fabricants, importateurs et distributeurs, ses bénéfices se répercutent directement sur les consommateurs et les entreprises, qui peuvent utiliser des produits numériques plus sûrs et mieux sécurisés.

Pour des acteurs comme ChamberSign, ce règlement souligne l’importance de la confiance numérique, fondée sur le respect de normes communes et la certification de produits fiables. En garantissant des standards élevés de cybersécurité, le CRA contribue à bâtir un écosystème digital européen plus sûr et plus fiable, bénéfique pour tous.